
Henri Frenay (1905-1988) est une figure centrale de la Résistance française pendant la Seconde Guerre mondiale. Né à Lyon dans une famille militaire de tradition catholique et patriote, il intègre l’École militaire de Saint-Cyr et devient capitaine en 1934. Sa prise de conscience des dangers du nazisme, nourrie par sa lecture de Mein Kampf, son séjour au Centre des hautes études germaniques de Strasbourg (1937-1938) et sa rencontre avec Berty Albrecht, militante antifasciste, le pousse à s’opposer dès 1940 à l’occupation allemande et au régime de Vichy.
Création du mouvement Combat (1940-janvier 1943)
1940 : Les prémices de la Résistance
Après la défaite française de juin 1940, Frenay, alors officier d’état-major, est fait prisonnier dans les Vosges. Il s’évade le 27 juin et rejoint la zone libre à Marseille, refusant catégoriquement l’armistice. Dès juillet 1940, il rédige un manifeste appelant à la lutte armée, marquant le début de son engagement résistant. Avec Berty Albrecht, rencontrée en 1934, il pose les bases d’un réseau à Marseille. En août, il fonde le Mouvement de Libération Nationale (MLN), recrutant parmi ceux qui rejettent la collaboration. Frenay, initialement pas hostile à Pétain mais vite déçu par la politique de Vichy, publie des bulletins clandestins (Les Petites Ailes, puis Vérités), qui reflètent une certaine ambiguïté vis-à-vis de Vichy avant un rejet total.
1941 : Naissance de Combat
En décembre 1940, Frenay est affecté au 2e Bureau à Vichy, mais il démissionne en janvier 1941 pour se consacrer à la Résistance. Avec Berty Albrecht et François de Menthon, il fusionne le MLN avec le mouvement Liberté pour créer Combat fin 1941, qui devient le plus grand mouvement de Résistance en zone sud. Combat regroupe diverses tendances politiques, à l’exception des mouvances communistes et radicales, que Frenay juge responsables de la défaite de 1940. Il structure le mouvement avec des services spécialisés (renseignement, propagande, groupes francs) et lance un journal clandestin, Combat, dont le tirage atteint 100 000 exemplaires à l’été 1942. En juillet 1941, Frenay rencontre Jean Moulin, envoyé par de Gaulle pour évaluer les mouvements de Résistance. Il lui dévoile l’organisation de Combat et facilite ses contacts avec d’autres résistants, comme Emmanuel d’Astier.
1942 : Développement et tensions
En 1942, Frenay renforce Combat en créant les premières cellules de l’Armée secrète et des groupes francs pour préparer la lutte armée. Il est recherché par la police de Vichy dès juin 1942, ce qui le force à vivre dans la clandestinité. En février, pour libérer des militants, il rencontre des officiels de Vichy, dont Pierre Pucheu, qui lui propose une collaboration avec les services secrets français, qu’il refuse. Frenay s’oppose également à Jean Moulin, revenu de Londres en janvier 1942 avec pour mission d’unifier la Résistance sous l’égide de de Gaulle. Frenay craint une mainmise de Londres et reproche à Moulin une trop grande influence des partis traditionnels, notamment communistes. Malgré ces tensions, il participe à la création des Mouvements Unis de la Résistance (MUR) en janvier 1943, unifiant Combat, Libération et Franc-Tireur sous l’impulsion de Moulin. Frenay devient membre du comité directeur des MUR.
En septembre 1942, Frenay se rend à Londres via Gibraltar avec Emmanuel d’Astier pour rencontrer de Gaulle. Ce voyage renforce son alignement avec la France libre, bien qu’il conserve une certaine autonomie. Il retourne en France en novembre 1942 par une opération aérienne. Fin 1942, il recrute Pierre de Bénouville et cherche des fonds auprès des Britanniques pour soutenir les réfractaires au Service du travail obligatoire (STO), instauré en février 1943.
Parcours jusqu’à la fin de la guerre (janvier 1943-1945)
1943 : Départ pour Alger et rôle politique
En juin 1943, après l’arrestation de nombreux résistants, dont Berty Albrecht (qui se suicide en captivité pour éviter de parler), et de Jean Moulin à Caluire, Frenay confie la direction de Combat à Claude Bourdet et quitte la France pour Londres, puis Alger en juillet. À Alger, de Gaulle lui remet la croix de la Libération en août 1943 et le nomme en novembre commissaire aux Prisonniers, Déportés et Réfugiés au sein du Comité français de la Libération nationale (CFLN). Frenay espérait un poste plus influent, comme au ministère de l’Intérieur, mais ses divergences avec de Gaulle, notamment sur l’autonomie de la Résistance, limitent son rôle. Il siège également à l’Assemblée consultative provisoire d’Alger et continue d’écrire pour Combat.
1944-1945 : Ministre et rapatriement
En août 1944, Frenay devient ministre des Prisonniers, Déportés et Réfugiés dans le Gouvernement provisoire de la République française (GPRF). Il arrive en France le 1er septembre 1944 via Cherbourg et participe au premier Conseil des ministres à Paris. Sa mission est colossale : organiser le retour de 1,3 à 2 millions de prisonniers de guerre, déportés et travailleurs du STO dans un contexte chaotique. Sous sa direction, le rapatriement s’accélère : 20 000 personnes en mars 1945, 313 000 en avril, 900 000 en mai et 276 000 en juin. En juillet 1945, le ministère considère la tâche achevée, bien que les déportés de la zone soviétique reviennent plus lentement. Frenay s’efforce de réintégrer ces rapatriés dans la société française. En 1944, il participe également à la rédaction de la Déclaration des résistances européennes à Genève, prônant une Europe fédérale.
Fin de la guerre et héritage
Frenay démissionne de son poste ministériel le 21 octobre 1945, déçu par le retour des partis politiques traditionnels et l’éloignement de ses idéaux pour un grand parti issu de la Résistance. Il s’engage ensuite dans le fédéralisme européen, devenant président de l’Union européenne des Fédéralistes en 1946. Ses mémoires, La Nuit finira (1973), et son ouvrage controversé L’Énigme Jean Moulin (1977), où il accuse Moulin d’être un « crypto-communiste », suscitent des polémiques, ternissant partiellement son image. Henri Frenay meurt le 6 août 1988 à Porto-Vecchio, laissant un legs complexe de résistant pionnier, ministre efficace et fédéraliste visionnaire.
Sources :
Wikipédia, Henri Frenay
Encyclopædia Universalis, Biographie de Henri Frenay
Fondation de la Résistance, Henri Frenay, Portrait
Lumni Enseignement, Henri Frenay évoque les motivations
Ordre de la Libération, Henri Frenay