
L'histoire et le destin d' André DREYER est l'une des plus surprenante de la seconde guerre.
Ce résistant méconnu mais finalement reconnu de tous les chefs de la résistance du Var.
André est né 30 novembre 1907 à Colmar, Haut-Rhin (68) de Joseph et Joséphine GAUGLER.
Il suit ses études jusqu'à l'âge de 13 ans à l'école communale de Colmar, études qui à cette époque étaient en langue Allemande. En 1918, l'Alsace deviens Française et il sera envoyé au collège de Dampicourt en Belgique.
A son retour de Belgique, André DREYER entre à l'école pratique d'industrie de Colmar où il apprend le métier de mécanicien. A 16 ans, il part seul pour Lorient en Bretagne pour rejoindre l'école des mécaniciens de la Marine. Il va alors poursuivre une carrière militaire jusqu'à l'âge de 24 ans ou il sort avec le grade de quartier-maitre.
En 1931 il épouse Lina POGGIO, de nationalité Italienne avec qui il vivra 9 ans avant de divorcer. En octobre 32 il rejoint le sud de la France et entre au chantier naval de La Seyne sur Mer dans le Var en qualité de mécanicien monteur ou il recevra en 1935 la médaille d'honneur de bronze par le ministre de la marine pour avoir sauvé de la noyade un camarade lors d'une opération. En 1937 il rejoint l'arsenal de Toulon et ce jusqu'à la déclaration de guerre de septembre 1939 ou il est alors affecté en premier lieu au 255em régiment d'infanterie Alpine fraichement reformé à Antibes,
puis en novembre, il est muté au 112em Régiment d'infanterie Alpine à Hyères et qui fera mouvement dans la Marne.
Arrivé sur le front il vas alors rejoindre une sorte de commandos français spécialistes des actions de la guerre d'embuscade au travers des lignes ennemies, cette unité forte de 150 hommes est le fameux Corps-franc. DREYER sera sous les ordres du lieutenant AGNELY et du lieutenant Joseph DARNAND.


En décembre 1939, DREYER est envoyé en première ligne sous le feu de l'ennemi il obtient sa première citation le 8 février 1940, ce sera ce même jour ou Joseph DARNAND effectuera dans les lignes ennemies le sauvetage héroïque du lieutenant AGNELY qui fera de lui un des héros de la bataille de France. Il sera décoré de la légion d'honneur et fera même la première page du magazine Match.
DREYER recevra sa deuxième citation pour son action du 19 du même mois, mais malheureusement pour lui, le 26 mars, dernier jour en première ligne il est gravement blessé à la tête par plusieurs éclats de grenades. Opéré, trépané, il va perdre l'œil gauche et recevra alors sa troisième citation puis sera décoré de la médaille miliaire pour son action.

Sa blessure étant trop importante, il est évacué et soigné à l'hôpital Ste Anne de Toulon pendant plus de trois mois. Réformé à 85%, il retournera après sa convalescence travailler à l'arsenal en qualité de surveillant. Il entre ensuite dans le groupe de protection de la ville de Toulon et fait ensuite du bénévolat pour confectionner et envoyer des colis aux prisonniers.
En mai 1942 il entre comme maître nageur au foyer du Marin, plage des officiers du Mourillon.

Le 11 novembre 1942, en riposte du débarquement allié en Afrique du nord les troupes allemandes occupent la zone sud de la France. Le 27 novembre, la flotte française mouillée dans le port de Toulon se saborde pour ne pas tomber aux mains de l'ennemi. André DREYER, essaie de rejoindre la résistance, il rencontre au parti socialiste le résistant et ami Guy CHARVET du réseau de renseignements "SOSIES" créé par Dominique et Pierre PONCHARDIER fin 42.
Avec sa maitrise de la langue Allemande, DREYER offre ses services. Il va alors entrer dans l'organisation allemande TODT de la ville (construction de la défense côtière du mur de la méditerranée). Il vas ainsi fournir au réseau des informations sur les constructions allemandes de la région Toulonnaise. (emplacement des batteries de D.C.A, et des projecteurs. Rapidement il va être expulsé de l'organisation, arrêté pour vol d'explosif cheddite et de dynamite.

Malgré les services et renseignements qu'il fourni au réseau "Sosies, les frères PONCHARDIER émettent un doute compte tenu du fait qu'il avait servi sous les ordres de DARNAND, et qu'il était inscrit à la légion des anciens combattants.
Il va alors contacter un ancien frère d'arme des Corps Franc, le père Léopold Raymond BRUCKBERGER, ancien dominicain du couvent de St Maximin réfugié à Nice avec DARNAND.
Contrairement à ce dernier, il refuse de prêter allégeance au gouvernement de Vichy et entre dans la résistance. Il aurait même dit à Joseph DARNAND : " Si vous continuez dans cette voie, vous passerez en haute cours pour trahison, vous serez fusillé et je serai assez con pour venir vous défendre"
c'est à cette période que DREYER écrit également au futur chef de la Milice espérant servir dignement la France contre l'occupant comme il le fit en 1940. Le sachant infirme à 85% il lui répondit par la négative.

N'ayant pas eu de réponse de BRUCKBERGER qui venait d'être arrêté à Nice, frustré de ne pas servir la France contre l'occupant se sentant lâché par ses anciens du Corps-Franc il vas donc continuer seul à mener des actions contre l'ennemi et aider la résistance le moment venu.
Début 1944, André DREYER propose ses services d'interprète, cette fois ci au siège de la Gestapo (SIPO-SD) du département du Var à Draguignan. Après hésitations , le SS-Hauptscharführer KOBER, chef du service accepte un mois plus tard. Par le plus pur hasard à son arrivée à Draguignan il va rencontrer un autre camarade du Corps Franc, son ancien sous-lieutenant Paul GUIRAN qui fut grandement surpris quand DREYER lui annonça son nouveau métier.
DREYER répondit aussitôt. "Ne te fait pas du mauvais sang GUIRAN, je n'ai pas changé, je n'aime toujours pas les Boches, si j'ai accepté cet emploie c'est pour mieux travailler contre eux"

Et c'est bel et bien de que fit André DREYER. Dans les premiers jours de son travail, il surprit une conversation entre les chefs de la gestapo sur le projet d'arrestation du résistant Ernest BRAESCHT, commissaire de police de Saint Raphaël. Il vas le jour même prévenir Paul GUIRAN afin qu'il prévienne l'intéressé sans même savoir que Paul faisait parti de la résistance locale. BRAESCHT restera introuvable quand la gestapo viendra l'arrêter. Ce résistant sauvé par DREYER fut le premier d'une longue liste et ce jusqu'au 15 août 1944, jour du débarquement de Provence. Un de ceux qu'il ne put faire prévenir fut l'abbé ALOÏSI, curé de Bargemon l'un des premiers chef des parachutages du secteur. Le curé de Draguignan et l'évêché lui répondit qu'ils n'étaient pas concernés. ALOÏSI fut bel et bien arrêté et déporté à Dachau.

Son aide à la résistance lui vaudra 15 jours d'emprisonnement en juillet après avoir été suspecté et dénoncé alors qu'il allait essayer de fournir une arme à un détenu. Cela ne l'arrêta pas pour autant. il changera souvent les termes des traductions d'interrogatoires des personnes arrêtés, afin de minimiser leurs peines et bien souvent les faire relâcher. Etant connu par la résistance dans la ville, il permettra également de transmettre des courriers, des messages à des prisonnier, des colis sans même les ouvrir.
A son arrestation, Jean GARRUS, chef du MLN de Draguignan se servira de lui pour donner les ordres de mission a ses hommes alors qu'il était détenu. Il organisera également des entrevues entres détenus pour éviter les contradictions.

Son acte peut-être le plus important sera le matin du 15 août 1944, alors que les américains, sachant que Draguignan, grand quartier général du LXIIem corps du général Ferdinand NEULING est une des missions de l'opération Dragoon bombardent la ville, il va se diriger vers les prisons et casernes Chabran touchées par les bombes et dissuader les gardes allemands d'ouvrir les cellules et relâcher les prisonniers.
Ce jour là, plusieurs dizaines de résistants et résistantes seront sauvés par André DREYER tel que le Jean GARRUS, Libération, chef des M.U.R (mouvements Unis de la Résistance) condamné à Mort et rendu muet un temps de par les tortures subies, André HEROUARD, du N.A.P qui comme GARRUS étaient bras droits de Georges CISSON. Il y avait aussi Janine DOLLMAN, agent de liaison du secteur St Tropez/Ste Maxime.

Une fois cette action effectuée, il retourne aux bureaux de la villa Forézienne, et subtilise le maximum de documents de la Gestapo alors que les allemands, comprenant que la fin était proche sont en train de détruire par le feu le reste de leurs archives. Ce sauvetage permettra aux alliés, à la résistance et au comité d'épuration l'arrestation de la quasi totalité des membres de la Gestapo et de ses collaborateurs français.
Le reste de la journée, il prendra part à la libération de la ville sous l'étonnement de certains qui ne connaissaient pas son action. Le 16, il rencontre le capitaine FONTES, commandant la résistance locale qui le met à la disposition du lieutenant Jean SCHIPMAN, chef de la sécurité militaire afin de poursuivre les combats de libération de la ville de Draguignan.

Après libération, André DREYER sera nommé sergent-chef des Forces françaises de l'intérieur et recevra pour ses fait de résistance une autre citation.
En juin 1945, il sera tout de même arrêté et jugé en cours de justice pour atteinte à la sureté de l'état. Malgré quelques témoignages contre lui, ce procès pourra permettre par les nombreux témoignages de résistants en sa faveur de prouver sa véritable action au sein du SIPO-SD et la Gestapo du Var. Il sera relaxé le 11 août 1945 et se retirera à Aix les thermes avec sa nouvelle compagne.

Après plus de 80 ans, nous avons tenu a mettre à jour l'histoire d'André DREYER, nous avons tenu à lui rendre hommage, ce héro de la bataille de France 1940, ce résistant tout a fait particulier qui n'a jamais fait parti d'un seul réseau de La Résistance, qui ne comporte même pas son inscription au registre des Forces Françaises de l'Intérieur mais qui mena seul à sa façon au nez et a la barbe de l'ennemi de nombreuses actions contre l'occupant et qui sauva d'un sort tragique des dizaines de résistants du Var .
travaux de recherches opération-dragoon.com Sources Archives13/83/12W/ Archives Nationales