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UGOLINI Raoul, résistant Maquis Vallier

Raoul UGOLINI est né dans le beau village de Callian (Haut-Var Est) le 15 décembre 1923, il est le dernier d'une fratrie de sept enfants.

Il est mobilisé et incorporé aux chantiers de jeunesse (instaurés par le régime du Maréchal

Pétain) à Cavaillon (Vaucluse) en juillet 1943. Il est désigné pour suivre un stage de chef d'équipe

à Maubec (Lubéron) sur des chantiers forestiers (coupes de bois).

En novembre 1943 Raoul reçoit l'ordre de mener son équipe à Cadenet pour enlever la vase

contenue dans le bassin St. Christophe, qui alimentait en eau la ville de Marseille.

Le froid glacial, la boue dans les souliers, les hommes de Raoul refusent de travailler plus

longtemps.

La discipline était très stricte. De ce fait, le groupe est puni et le chef du camp décide de les

envoyer tous en Allemagne pour le STO (Service du Travail Obligatoire).

.

anti nazi convaincu, cela lui répugnait de travailler pour les allemands. C'était

pour lui, comme pour beaucoup de français, une honteuse "collaboration".

Grâce à une ruse, Raoul réussit à s'enfuir du camp pour éviter d'être emmené de force en

Allemagne. 

Raoul est parti à pied avec tout son bardas, un sac tyrolien et une valise en bois en direction de

Meyrargues, via Pertuis. A la gare de Sud-France (les Chemins de Fer de Provence), il monte

dans le train en partance pour Draguignan et Nice.

 


Machette artisanale que Raoul UGOLINI avait emporté avec lui tout au long de son périple dans le Maquis VALLIER
Machette artisanale que Raoul UGOLINI avait emporté avec lui tout au long de son périple dans le Maquis VALLIER

Deux employés le cachent dans le wagon postal, un endroit sûr, où il passe la nuit. Le lendemain, ce même wagon est rattaché au train qui part en direction de Nice.

Raoul s'arrête à Callian, son village natal où sa mère le cache durant 2 jours. Mais c'est trop dangereux pour les siens. Il se réfugie donc à Tourrettes, chez un ami de la famille, le paysan Louis Castagnoli, qui avait des relations avec le maquis (le Lieutenant Camille Laroute).

Le 12 février 1944, donc, Raoul rejoint le maquis VALLIER, guidé par un paysan nommé STALENQ et le Lieutenant PIGNAULT jusqu'à Frigoure, une bergerie entre Mons et Callian. Une dizaine d'hommes s'y trouvaient déjà, dont le premier responsable du Maquis, Dominique LUCIANI.

Chacun s'attribuait un faux nom, Vincent, Yo, Pierrot, Le grand René, Tarzan (de la Seyne), Johnny, UCELLI, dit "L'Oiseau" (lié au Dr UCELLI de la Motte), Auguste DAUMAS dit "Gu", Bodou dit "Bodoy", Antoine MARIANI dit "Toni".  Raoul, on le nomma "Bébert". Quelques jours après sont arrivés Gaston COGORDAN qui possédait une usine de chaussures rue des Endronnes à Draguignan et "Jo".

Le 24 février 1944, arrivèrent le Lieutenant VALLIER, Gleb SIVIRINE, qui devint Chef du camp, Roger LEROUX et Max LIENENT. L'effectif total était alors de 15 hommes.

Le 31 mars 1944, le maquis quitte Farigoule, la bastide étant devenue trop petite et s'installe aux Louquiers près de Mons, dans la bastide de Jean MERLI. Le maquis grossit et atteint  40 hommes.

le 22 avril 1944, craignant la dénonciation, le maquis déménage et rejoint Chardan, puis le Petit Plan de Canjuers au bout de 3 jours de marche incessante, puis le Grand Plan de Canjuers et la montagne du Grand Margès où le maquis campe dans une bergerie.

Il reçoit alors en mai la visite du chef de l'armée secrète du Var, Louis PICOCHE, patron des cars Gaby d'Hyères, accompagné du Docteur GERMAN alias "Toubib", qui passe une "visite médicale" à tous les maquisards.

Raoul raconte qu'il n'y avait avec eux, qu'une seule femme, une agent de liaison recherchée par la Gestapo, Madame MAZZA surnommée "Marraine". Elle restait dans la partie de la bergerie réservée "aux chefs", qui faisaient aussi "popote" à part.

Raoul et ses copains, raconte que dans cette bergerie, située sur le grand Margès, au dessus de la ferme de la Médecine (qui servait de poste de garde avancé où se relayaient un petit groupe de sentinelles), les hommes dormaient, comme les animaux, à même le sol de la bergerie, sur la terre battue, entourés de leur unique couverture ou de toiles de parachutes récupérées. Raoul

faisait office de cuisinier. Il cuisait leurs maigres trouvailles journalières, au feu de bois, à l'extérieur du bâtiment, à l'abris du vent, contre un muret.

Le 17 mai 1944, au matin, le maquis déguerpit en vitesse car un paysan averti les maquisards qu'ils sont dénoncés. Les allemands montent au camp avec des lance flammes mais il n'y a plus personne. Le maquis reprend son errance fugitive dans le haut var.

Le 18 et 19 mai, Raoul et ses camarades campent dans les grottes de Baudinard et du 19 au 23 mai 1944, à la chapelle de Baudinard.

Du 23 mai au 6 juin 1944, le maquis campe à "la Blanche" au bord du Verdon, construisant des cabanes en branches de buis, obligés de se mettre debout, lorsqu'il pleuvait, dos à dos pour se tenir chaud, avec une couverture sur le corps, les pieds dans l'eau.

 


Le Lieutenant Vallier, Gleb Sivirine
Le Lieutenant Vallier, Gleb Sivirine

La nuit du 6 au 7 juin, le maquis dort à la belle étoile, à la Médecine sur le flanc de la montagne du Grand Margès

Du 8 au 10 juin, le maquis est hébergé chez Mr BONDIL à Baudinard. Du 10 au 18 juin , de nouveau les maquisards campent à "La Blanche". Du 18 au 25 juin 1944, le maquis se cache à Saint Jean de la Tour, construisant des cabanes

comme celles des charbonniers.

Du 25 juin au 5 août, le maquis reste dans les bois de Malosque. Le 3 juillet 1944, Raoul et ses camarades défilent à Aiguines en chantant la marseillaise, et présentent les armes devant le Monument Aux Morts, en présence de la population et des enfants des écoles. La municipalité offre un festin aux maquisards.

Le 4 juillet 1944, la même cérémonie suivie d'un festin se déroule aux Salles Sur Verdon.

Raoul se souvient d'un évènement dramatique lorsque le maquis était encore aux Louquiers près de Mons. Un camarade, le "Petit Jo", Georges MARANINCHI s'est tué accidentellement en manipulant son arme, qui s'était enrayée, l'abominable mitraillette Sten. Raoul se trouvait tout près de lui. Ils l'ont enterré sur place, protégeant son corps avec des bouts de tôles en fer. Sa famille est venue récupérer ce corps après la guerre.

Plus tard, au Grand Margès, au dessus de la ferme de La Médecine, dans la bergerie de La Colle qui servait de campement au maquis un autre évènement a particulièrement marqué Raoul, et a hanté ses nuits, encore maintenant.

 

En juin, les FTPF amènent au lieutenant Vallier 2 femmes et deux hommes qu'ils ont fait prisonniers. Un des 2 hommes était policier à la retraite et amant d'une des femmes, Marie TECH, l'autre était postier à Aups et membre de la milice de Pétain. La seconde femme s'appelait Elisabeth. Elles étaient toutes deux agents de la Gestapo. Gardées prisonnières durant plusieurs jours, l'une ayant échoué dans sa tentative d'évasion, 2 ou 3 jours après le lieutenant a reçu l'ordre d'Alger de fusiller ces 2 femmes. Deux pelotons d'exécution ont donc été formés sur ordre de VALLIER. Le grand René s'étant trouvé mal, Raoul a été désigné par le Lieutenant VALLIER pour prendre sa place dans le second peloton, celui chargé de l'exécution d'Elisabeth. Raoul garde en mémoire cette vision cauchemardesque de l'exécution peu glorieuse de ces 2 femmes sans défense, tour à tour attachées à un jeune tilleul, qui faisait office de poteau d'exécution. C'était le 22 juin 1944. Elles ont été enterrées à l'endroit même et leur famille est venue récupérer leurs restes après la guerre. Les deux hommes ont été relâchés bien plus tard, car Vallier n'avait reçu aucun ordre les concernant et ils étaient une bouche inutile à nourrir.


Poignard de combat Américain de Raoul UGOLINI.. (Collection Privée)
Poignard de combat Américain de Raoul UGOLINI.. (Collection Privée)

La peur au ventre d'être découvert et pris par les Allemands, la faim qui le tenaillait, la recherche de nourriture comme préoccupation majeure, le froid, la crasse, la lassitude souvent de ne pas combattre l'ennemi et d'attendre, dans une discipline strictement militaire des ordres qui ne venaient pas, représentaient pour Raoul comme pour ses camarades, le quotidien.

Comme l'écrit Raoul : “En raison d'un ravitaillement peu abondant et hasardeux, nous étions tous maigres et efflanqués”. Plus loin, il écrit : “ Il y avait des périodes de disette où nous n'avions rien à nous mettre sous la dent. C'était alors de longues pérégrinations sur les pentes de la montagne ou au-dessus des vertigineux précipices du Verdon. Nous faisions feu de tout bois...

Nous parvenions à tuer du gibier que nos randonnées éclaircissaient à vue d'œil.. nous tuions tout ce qui nous tombait sous la main lézards, serpents, et parfois, oh ! Bombance ! Un sanglier ... “. Plus loin, il écrit encore : “Manger était le problème majeur car, le plus souvent, nous avions le ventre vide. Nous faisions bouillir des herbes connues pour leurs vertues alimentaires : orties, poireaux sauvages, oseille des prés, et d'autres dont je ne connais que le nom provençal... rampotchou (radis sauvages), caoussido, margaou, lapas etc...”

- Le 22 juillet 1944 eut lieu le premier accrochage avec les allemands. Dans la région d'Aups, une patrouille du maquis Vallier a rencontré les allemands et s'est battue, aidée par les FTPF. Dominique LUCIANI et Etienne ont été tués. Toni et Yo ont été blessés et ramenés et soignés au camp des FTPF (Camp Robert d'Aups).

- Début Août 1944, le Maquis Vallier est informé de l'imminence du débarquement allié sur les côtes varoises. Il a reçu l'ordre de se diriger vers la côte et de faire la jointure avec le maquis FTP des Maures.

- Du 9 au 12 Août, Raoul traverse avec son maquis le var du nord au sud, de nuit, en 3 jours d'une marche éreintante. Varages, St. Martin de Palière, Brue Auriac, Barjols, Flassans, les Mayons.

- Les 14 et 15 Août, le groupe de 14 hommes dont Raoul faisait partie se présente au col des Fourches, à l'embranchement de la route de Collobrières à Grimaud.

- l'après-midi du 15 août 1944, Raoul et ses copains sont en embuscade au col des Fourches . Ils tirent sur des camions allemands qui tentent de fuir la côte. Durant le combat, Raoul reçoit une balle dans le bras gauche qui le blesse gravement. Il tente de dégoupiller une grenade, mais l'hémorragie est telle qu'il perd connaissance, sans réussir à lancer sa grenade. L'intervention courageuse de son camarade "L'oiseau" le sauve d'une mort certaine. Il est évacué sur un des tanks américains fraîchement débarqués. Tandis que la maquis Vallier, se rassemble dans l'enthousiasme général sur la place de Collobrières, pour Raoul, la guerre est finie.


Sac tyrolien de Raoul UGOLINI qui le suivit tout au long de la guerre. Il porte encore le sang du jour de sa blessure au col des Fourches
Sac tyrolien de Raoul UGOLINI qui le suivit tout au long de la guerre. Il porte encore le sang du jour de sa blessure au col des Fourches

Extrait du registre des Morts et bléssés du Var pendant les combats de libération que nous avons retrouvé aux archives nationales des Armées.
Extrait du registre des Morts et bléssés du Var pendant les combats de libération que nous avons retrouvé aux archives nationales des Armées.

USAHS Thistle, United States of America Hopital Ship. Navire hopital Le Thistle, sur lequel Raoul UGOLINI fut pris en charge par le corps médical Américain
USAHS Thistle, United States of America Hopital Ship. Navire hopital Le Thistle, sur lequel Raoul UGOLINI fut pris en charge par le corps médical Américain

- le 18 Aout, Raoul est embarqué à Cavalaire sur le "Thistle", un navire hôpital américain en partance pour Ajaccio, puis sur un autre navire hôpital en direction de Naples. Là, un bateau américain, le "Séminole", l'emporte vers Mers el Kébir.

Il débarque et séjourne à l'hôpital d'Oran, en Algérie. Il est ensuite acheminé en train pour Fes, au Maroc le 7 septembre 1944, dont il repart le 23 septembre pour Alger !

- Le 6 novembre 1944, enfin ! Raoul est rapatrié en France et dirigé sur Toulon sur un bateau nommé "Le Jules Verne".

- Le 11 novembre 1944, Raoul retrouve enfin les siens à Callian. Pas pour longtemps !

Comme sa blessure suppure encore, il se rend chez le Docteur GERMAN à Draguignan qui lui remet une lettre pour aller passer une visite à Marseille devant le Conseil de réforme.

Déclaré inapte pour l'Armée de Terre, il est finalement versé dans l'armée de l'Air, à la base 126 de Montpellier.

- le 23 octobre 1945, Raoul est enfin démobilisé. Raoul possède le Certificat d'Appartenance aux Forces Françaises de l'Intérieur ; le Certificat du Comité local de la Libération délivré par Louis Picoche, chef du Département Maquis de l'Armée Secrète ; de la 9ème Région militaire, la citation à l'ordre du régiment 44 comportant l'attribution de la Croix de guerre en date du 26 décembre 1946. Par décret du Président de la République, il a obtenu le 20 novembre 1991 la Médaille militaire, et reçu la Médaille du Combattant Volontaire de la Résistance, ainsi que la Médaille du Combattant 39/44.

 Raoul nous as quitté hélas mais., il n'avais jamais cessé d'œuvrer pour la mémoire de ses camarades disparus et pour que l'on n'oublie jamais le sens de leur combat et de leur sacrifice.

Infatigable “militant” de la transmission de cette mémoire, il a témoigné en langue Provençale devant des collégiens, et, en octobre 2013, il est retourné sur la montagne du Grand Margès, dans un 4x4 mis à sa disposition par les autorités militaires du camp de Canjuers, reconnaître le tilleul (aujourd'hui devenu énorme) contre lequel les 2 femmes de la Gestapo ont été fusillées,

et certifier l'emplacement de la bergerie, dernier campement de son maquis, dans le Haut Var, avant qu'il descende vers la côte faire la jonction avec les FTPF des Maures pour participer à la libération de Collobrières et de la presqu'île d'Hyeres.

Après la guerre, Raoul a fait carrière dans la SNCF, et, revenu dans son village natal de Callian, dès l'heure de la retraite arrivée, altruiste et généreux, ayant un sens inné de l'amitié, Raoul s’investit très vite dans la vie publique et la gestion de son village, en prenant la présidence du Comité des Fêtes et en devenant 1er Adjoint à la mairie de Callian.

Merci Raoul pour ce magnifique exemple d'humanité !

Nous adressons nos remerciement à notre amie Claudine sa fille,  et à Catherine et Joël fidèles patriotes qui comme nous continuent à œuvrer pour la mémoire de la bataille de Provence et qui nous ont aidés à rédiger cet article. Tous droits réservés.

 

Claudine UGOLINI, Raoul UGOLINI & Adrien SOLDI lors d'une soirée où Raoul fut mis à l'honneur dans son village natal de Callian.
Claudine UGOLINI, Raoul UGOLINI & Adrien SOLDI lors d'une soirée où Raoul fut mis à l'honneur dans son village natal de Callian.