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SAPPA Marius, FTPF groupe Carmagnoles, Montfort sur Argens, Var

Alexandre Marius SAPPA, fils d'immigrés Italiens est né le 10 septembre 1923 à Sainte Anastasie sur Issole (Var). Sa famille viendra habiter Montfort sur Argens (Var) où il résidera pendant son enfance et sa jeunesse. Quand la guerre éclate, Il est tout d'abord envoyé dans les Maures au STO (Service du Travail Obligatoire) puis, à l'annonce du débarquement allié en Normandie, il rejoint le groupe F.T.P.F (Francs Tireurs et Partisans Français)  de Carmagnole alias "l'Oncle", au camp Battaglia dans la montagne du Bessillon. 1ère compagnie de Provence le 6 juin. Dans les semaines qui suivent le débarquement du 6 juin, la résistance entre en action dans toute la France. Dans le sud, les hommes de l'ombre ont du mal à contenir leur envie de se battre. Pourtant le débarquement sur les côtes de Provence n'est pas encore annoncé malgré de déclenchement des "Plans". Les actions de sabotage se succèdent... Les Allemands furieux ordonnent des représailles dans tout le sud pour semer la terreur et dissuader la résistance.

Jamais l'espérance de vie d'un résistant n'aura été aussi courte..

C'est ainsi que dans les jours qui suivent ce 6 juin, deux hommes, vont passer dans les villages du centre Var pour soit disant "recruter" et organiser des "montées au maquis". Ils sont bien décidés à en finir et à combattre le "Boche". Ils seront presque une vingtaine qui vont se laisser enrôler par ces parfaits inconnus. La date est fixée à l'aube du 16 juin. L' autocar Brignoles - Riez pars à l'aube avec déjà à son bord des jeunes gens,  puis Le Val, Sylvain JEAN BAPTISTE, le beau frère de Marius se souviens que c'est au Val d'ailleurs que l'un d'eux monte dans le car et fait remarquer à haute voix :

" Ils sont où ceux qui sont passés recruter ? Faites ce que vous voulez les copains, moi je ne le sens pas, je ne viens pas..." puis l'autobus poursuit sa route... Montfort et Carcès. Les jeunes résistants, dont fait parti Marius SAPPA, village après village, montent un à un dans le véhicule. Ils doivent rejoindre un camp secret dans les Alpes-de-Haute-Provence près du village d'Allemagne . En effet, l'autocar commence son périple et la suite... personne ne saura vraiment comment elle s'est déroulée car il n'y aura hélas aucun survivant. Les jeunes gens descendent au terminus Riez, et continuent leur route à pied. 

Dans le petit village de Saint-Martin-de-Brôme, entre Gréoux-les-Bains et Allemagne sur Verdon, les habitants entendent cet après-midi là des tirs d'armes à feu, des rafales plus haut sur la route vers Allemagne-en-Provence. Le matin déjà, ils avaient remarqué de l'agitation, des convois, puis le calme était revenu.

Ce ne sera que trois jours plus tard, qu'un habitant du village, parti tôt ce matin du 19 juin chercher du bois dans la forêt va découvrir l'horreur. Arrivé à quelques centaines de mètres d'un vallon appelé "Les Bayles" à la sortie de Saint-Martin-de-Brôme, son cheval va stopper net de l'odeur et refusera d'avancer un pas de plus. Il va donc à pied s'avancer et découvrir le charnier... Tous ces jeunes patriotes Français massacrés par d'autres Français. Les corps déjà noircis commençaient à se putréfier avec la chaleur.


Unique photo prise lors de la découverte des corps dans le vallon des Bayles à Saint Martin de Brôme.
Unique photo prise lors de la découverte des corps dans le vallon des Bayles à Saint Martin de Brôme.

Des récits que nous avons recueillis par des témoins : On les avait fait descendre de cet autocar sans doute en leur annonçant que le reste de la route se ferait à pied... et là, avec une organisation parfaite, des mitrailleuses avaient été postées... Des Allemands, mais aussi des Français, probablement ceux de la 8ème compagnie de la division "Brandebourg" (en savoir plus). Une division qui dépendait directement de la XIXème armée allemande. Cette 8ème compagnie, spécialisée tout d'abord dans le renseignement a semé la terreur dans tout le grand sud-est. Cette division était composée de Français, d'anciens de la légion de Pétain, mais aussi d'anciens résistants ayant tourné casaque pour quelques billets, ou pour sauver leur peau, et même d'Italiens ou d'Espagnols anciens de la division Azul. 

Appelés par beaucoup les Waffen SS, ils volent, pillent, tuent pour un oui ou pour un non et même pour se faire de l'argent. Ils fuiront a la mi- août 1944 vers l'Alsace puis l'Allemagne en laissant derrière eux des traînées de cadavres comme ce fut le cas en ce jour du 16 juin 1944, à Saint-Martin-de-Brôme mais aussi à Allemagne sur Verdon.  

A cette époque, il a fallu prendre des précautions pour aller chercher les corps. Les habitants ont fait preuve d'un extrême dévouement.

"Et si les Allemands étaient encore là... ? Cachés à attendre... Mais cela était inhumain de laisser ces pauvres jeunes..."

Avec une charrette, ils les ont tout d'abord aspergés d'essence de lavande pour masquer l'odeur terrible de leur décomposition, puis le maire Monsieur ROBERT a du annoncer les décès...Mais qui étaient-ils ?  Comment les identifier ? Comment prévenir leurs familles en territoire occupé ? ... Il a fallu les fouiller, et pour chacun relever le plus d'indices possibles. Une bague, un portefeuille s'ils en avaient un, un souvenir qui leur porterait chance, emporté avec eux quand ils avaient quitté leur famille.

Ce sera la mère de Marius SAPPA, Anna, et sa fille ainée Marguerite, "Guite", qui vont monter dans ce petit village, dont elles ne connaissaient même pas l'existence avant cela, afin de reconnaître leur fils et frère chéri. cachés entre des tonneaux sur une charrette,  Guite, la soeur de Marius se souviens :

" Quand nous sommes arrivées devant les corps, certains avaient des asticots qui leurs sortaient des yeux, du nez ou de la bouche..." "Le sol, dans ce Vallon des Bayles était jonché de douilles qui clinquaient sous nos pieds. Ma mère a tenue à en garder quelques-unes mais aussi un petit flacon de sang de son fils"...

"J'ai reconnu mon frère aux vêtements qu'il portait le jour de son départ quand il est venu nous embrasser... Il était si beau et si fier de servir son pays, La France qui avait accueilli ses parents quelques années auparavant..."

Ce ne sera qu'au mois de septembre 1944 qu'aura lieu la levée des corps, enterrés en attendant derrière l'église à côté du cimetière communal de Saint Martin de Brôme. Quelques rares photos subsistent de cet événement.

Anna et sa fille iront à Aix-en-Provence en 1945 au procès de ce certain Ocléppo qui sera condamné à mort. Mais hélas aucune preuve contre lui, et aucun témoins ne pourra le reconnaitre... L'affaire reste a ce jour un mystère même si le guet-apens qui était la façon habituelle d'operer des hommes de la Brandebourg sera retenue. Chaque année les familles SAPPA et JEAN-BAPTISTE reviennent à Saint-Martin-de-Brôme rendre hommage à Marius et à ses frères du Maquis, sans jamais avoir failli une année manquer la commémoration et ce depuis de terrible jour du 16 juin 1944.


Sources : travaux de recherches Operation-dragoon.com. enregistrements famille SAPPA/ JEAN BAPTISTE, famille BOTTO, Vincennes archives des Armées. Cours de justice de Aix en Provence. Jugement OCLEPPO Georges.62W.

Un grand merci et une pensée à Guite , à Sylvain et  ses enfants .